Oppidum en 1970

Après l’incendie

L’OPPIDUM DU FORT à TARADEAU

L’Oppidum se caractérise par un habitat Celto-Ligure (Gaulois) de la tribu des Vérucini qui fait partie de la confédération des Salyens dès le 1er siècle avant Jésus-Christ.
D’une superficie de 9500 m2 il est redécouvert à l’occasion d’un terrible incendie en 1969 sur une colline calcaire (hauteur 253 m) qui surplombe le village de Taradeau. Le périmètre total atteint 401 m.
Cet habitat fortifié perché proche d’un axe de circulation important « La Voie Aurélienne » est construit par la population indigène vers 100 av J-C. Cette voie, qui passe par les Arcs sur Argens et Taradeau a dû être crée après la dernière révolte Salyenne par des techniciens romains , « Via per Alpes Maritimas en 13 av JC ».

LA CONSTRUCTION DE L’OPPIDUM :

Etat 1 : La présence humaine sur ce promontoire date de la fin du IIIème siècle av J-C, la construction de l’enceinte débute à la fin du IIème siècle av J-C et se termine au début du 1er siècle av J-C.Etat 2 : La seconde phase correspond à la construction du rempart, datée de l’extrême fin du IIème siècle, début du 1er siècle avant JC (105-102), cette fortification liée à l’invasion des Cimbres.
L’enceinte forme un pentagone mesurant 115 m du Nord au Sud et 95 m d’est en ouest. La muraille large de 2,10 à 2,35 m, présente un parement en moyen apparent brut d’extraction. Le blocage interne est constitué de pierraille et d’argile blanche. Trois drains traversent la base du rempart ouest et évacuent les eaux pluviales.
Le mur est posé à même le rocher qui fut parfois taillé de manière à constituer une semelle.
L’appareil est un « polygonal » irrégulier de type rustique utilisant des moellons en calcaire du Muschelkalk (calcaire coquiller formation -235 Mo) prélevés sur le site même, débités à la masse et sans doute retouchés à l’occasion sur leur face apparente.
L’Ordonnance des parements ne relève ni assises régulières ni plans de réglage continus. Il semble en revanche que le mur ait été monté par tranches car à intervalles d’environ 2 à 3 m, on devine, à l’extérieur, des reprises sur les parties inférieures de l’appareil. Celles-ci, comme il est normal, consistent en blocs de grandes dimensions (0,45 à 0,75 m de côté) avec intercalation de pierres de calage plus petites. Le parement interne est monté souvent avec des moellons de moindre dimension ; il utilise parfois des blocs de tuf, matériau présent aux bords de la Florieye, dont la taille aisée et la moindre résistance expliquent l’utilisation préférentielle dans les parties du mur les moins exposées
La face nord est renforcée par trois bastions (2m de large sur 1,50 m de profondeur) dont les murs latéraux se constituent par des épis de 3 m environ à l’intérieur de l’enceinte.
L’enceinte comportait à l’origine cinq portes charretières ; celle du Nord-Ouest (large de 2,25 m) la plus vulnérable était protégée par un redan (décrochement venant briser la continuité d’un profil).
Trois de ces portes ont été murées et une rétrécie en poterne.
Dans la phase finale d’occupation du site (état 4), il ne restait plus qu’une porte charretière à l’est (large de 2,50 m) et une poterne à l’Ouest (largeur initiale de 3,20 m réduite à 1,50m) Fig. 946 bouchage partiel de la porte occidentale (d’après J.P. Brun, G. Congès, M. Pasqualini, 1993, fig. 31

Le côté Nord est protégé par un avant mur précédé d’un fossé sec large de 8,50 m environ ( 10 m du rempart). On pénétrait dans la forteresse par une entrée située au Nord est et formant une chicane ayant nécessité une interruption et une reprise décalée de l’avant mur et du fossé.
Etat 3 : Il est marqué par la construction d’une rangée de 33 cases accolées au rempart, dans le courant de la première moitié du 1er siècle avant JC, sans doute au moment de la guerre civile.
Etat 4 : Transformation liées à un accroissement de population (nouveaux réfugiés plutôt qu’accroissement naturel).L’inquiétude encore vive née de la guerre civile peut avoir trouvé un prolongement six ans seulement après, lors de la crise du second triumvirat, au cours de laquelle se place en 43 avant JC la célèbre rencontre de Lépide et Antoine à quelques kilomètres du Fort, au Pont d’Argens. Il regroupe des aménagements de certaines cases et le bouchage de plusieurs portes du rempart. Trente trois cases, de superficie intérieure couvrant 18 à 25 m2, étaient bâties en pierres liées à l’argile ; la case 12 était peut-être partiellement construite en pisé.

La case 4 comportait un poteau axial, mais les couvertures ne sont pas connues (fascines recouvertes d’argile ?). Certaines cases possédaient un foyer à l’intérieur (3, 8b, 12, 13, 14, 17, 19a, 31) ; un seul était décoré (quadrillage dans l’argile) ; celui de la case 31 servait peut-être de soubassement à un four domestique en argile. Quelques cases avaient conservé leur mobilier d’abandon en place, notamment la case 27 (une grande jarre et une amphore). L’habitat fut abandonné sans violence au cours du troisième quart du 1er siècle av. JC).
Etat 5 : Abandon, sans doute progressif (aucune violence apparente, quelques rares objets abandonnés sur les sols) vers les années 30 av JC lorsque se met en place une nouvelle organisation du terroir varois avec la création de la colonie de Forum Julli. Les exploitations rurales que l’on voit apparaître à ce moment dans la plaine comme l’Ormeau ou la Clémensane, ont sans doute accueilli les anciens habitants du Fort ; peut-être les ont-ils construites eux-mêmes.
Transformation de l’enceinte en carrière de pierre et l’installation du four à chaux (fig 947). Une cabane fut réaménagée contre le rempart oriental (case 3) et le four à chaux construit dans la case 7.
Le four à chaux : D’un diamètre interne de 2,50 m environ, d’une profondeur de 1,80 m, il était ceinturé d’un mur de 1,20 m d’épaisseur, lui-même doublé par une couronne d’argile et de pierres.
Ouvrant à l’est, à l’opposé du vent dominant, il était comblé de couches alternées de charbons et de chaux, puis par des pierres. Le mobilier, très pauvre, comprend une boucle articulation datée du
Haut Empire ( 27 av JC). Il est probable que le four a fonctionné à partir de l’époque flavienne (69 à 96 après JC), époque où la chaux commence à être utilisée couramment dans les habitats ruraux des alentours.
Etat 6 : Cette phase correspond à l’abandon définitif du site qui fit l’objet de fréquentations notamment au cours de l’Antiquité tardive (fin du IIIème siècle après JC).

Restitution minimale de l’Angle Nord-Ouest :
On peut imaginer à l’étage un plancher élargissant pour les défenseurs l’espace réduit du chemin de ronde. La fouille de la pièce 13 a en effet montré que dans l’angle du saillant fonctionnait un foyer.
La pierre calcaire locale est employée pour toutes les constructions, sous la forme de blocs dont le débitage a laissé au moins une face suffisamment plane pour fournir un parement sans nécesssiter de retouche. La mesure qui revient le plus fréquemment est 42 cm avec ses sous-multiples 28,21, et
14, toutes étant un multiple de 7, système mis en évidence à Glanum pour les IIè et 1er siècles avant JC (cf. Roth Congès 1985).
La terre a été employée comme liant des pierres dans la construction des murs de cases ; la nature de cette terre est variable : terre argileuse jaunâtre, proche de celle qui est utilisée pour les remparts, terre rouge clair ou rouge brun, proche de la terre provenant de la décomposition locale du substrat, et qui aurait donc été épierrée, tamisée.
Le métal est réprésenté uniquement par 6 clous de fer, coudés ou brisés à 7 cm de la tête. Aucun clou de charpente n’a été trouvé dans les cases. Les assemblages des pièces de bois nécessaires à la construction des toitures devaient donc être en liens végétaux ou réalisés par mortaisage.
La nature de la couverture ne peut être précisée. Des fascines de branchages, peut-être recouvertes de terre, constituent l’hypothèse la plus probable.
Aménagements internes : Foyers et stockage.
Foyers : Neuf foyers au total ont été retrouvés cases 3, 8b 12, 13, 14,17, 19a et 31.
Les aménagements de stockage ne sont représentés que par des dolia (jarre de l’Italie Antique) et des récipients plus petits que l’on a appelés jarres. Les dolia sont rares : deux seulement ont été laissés en place au moment de l’abandon du site et retrouvés dans les cases 1 et 27. Le plus complet, celui de la pièce 27 pouvait contenir 250 litres. Cette case est la seule qui ait conservé un peu de matériel écrasé sur place et méritant l’appellation de couche d’abandon, rattachable donc à l’état 4. Sur ce sol ont été retrouvées une amphore italique Dressel 1A (fig 58, n°123) et une grande jarre (fig. 63, n° 146). Les autres trouvaillent concernent des fragments qui, même dans le meilleur cas, sont loin de former l’équivalent d’un récipient entier. Environ 7000 tessons ont été recueillis qui représentent au maximum 440 récipients

Grande Jarre (2)

 

Nous l’avons retrouvée à l’Abbaye de la Celle !

Conclusion :
Au terme de cette étude, l’histoire de l’Oppidum du Fort peut se résumer ainsi : après une fréquentation au sommet de la colline vers la fin du IIIème ou au début du IIè siècle av JC, un village fortifié est construit, occupé et transformé à plusieurs reprises entre le début et la fin du 1ersiècle avant notre ère. Une réoccupation ponctuelle liée à l’exploitation d’un four à chaux a lieu au cours du Haut Empire (27 avant JC-476 après JC), puis une fréquentation du site en ruine est attestée à plusieurs périodes de l’Histoire.
Que ce soit pour une défense commune avec les Romains contre les Barbares, ou contre les premiers à l’occasion de révolte ou de troubles, les Vérucini de Taradeau ont eu entre 102 et 49 plus d’une raison de construire une fortification (état 2). Après un temps difficilement appréciable, l’état 3 est caractérisé par des remaniements qui affectent le système défensif et par l’adjonction de cases contre la fortification ; puis surviennent(état 4) les modifications de certaines cases et le bouchage des portes.
L’évolution culturelle va changer rapidemment à la fin du 1er Siècle avant JC. A l’Epoque augustéenne, en effet, le terroir de la commune de TARADEAU fait partie de la structureadministrative et territoriale de la CIVITAS DE FORUM JULII. Un élément attractif pour ces populations indigènes est l’attribution par Rome à l’agglomération de Forum Julii du statut d’Oppidum latinum. Ce statut va conférer aux élites locales la possibilité de devenir citoyens romains. Un nouveau mode d’occupation du sol prédomine désormais. Il est en corrélation étroite avec l’appropriation individuelle des terres. Sur les habitats indigène de plaine se créeront à la fin du 1er s av JC des fermes qui adoptent de nouvelles formes architecturales et de nouvelles techniques de construction.
Il est vraisemblable que leurs habitants sont des colons bénéficiant de déductions de terres, mais aussi des indigènes romanisés. Il n’y a plus alors d’habitat regroupé en hauteur. Ce phénomène traduit l’accomplissement sous l’influence de Rome à la disparition de l’identité culturelle et de l’organisation sociale du milieu indigène celto-ligure. La civilisation de l’Age du Fer n’existe plus, mais survivrons dans la vie quotidienne des populations locales certains de ses usages, en particulier culinaires.

Annexes :
L’assainissement collectif qui est prévu pour drainer vers l’extérieur les eaux d’infiltration et de pluie est présent au Fort de Taradeau. Les réserves d’eau devaient se faire dans des récipients individuels.
Les quatre peuplades « Celto-Ligures, Suelteri, Vérucini, Oxubii, et Ligauni ont formé le cadre de la « CIVITAS FORUM JULII ». Les zones rurales ne seront toutefois totalement romanisées que entre 31 et 27 av JC.
A la fin de l’âge de fer, la langue locale ligure se perd au profit de la langue celte.
L’économie, qui n’est plus totalement autarcique depuis longtemps, reste basée sur les ressources agro-pastorales, élevage des ovicaprinés en particulier et culture des céréales. La chasse devient accessoire.
Les premiers vestiges de l’Oléiculture se retrouvent au 1er s av Jc sur un site de piedmont ouvert à St Martin à Taradeau mais aucun vestige de viticulture n’apparaît à l’Oppidum de Taradeau.
L’alimentation est toujours basé sur le bouilli.
La zone de l’Oppidum du Fort à Taradeau, aujourd’hui de garrigues et de broussailles, n’était pas, naguère, consacrée seulement à la chasse ou au pacage. Les terrasses révélées par les incendies sur les front sud et ouest en font foi ; la parcelle même où se trouve l’oppidum porte encore des surgeons de figuiers qui y étaient cultivés ; tout près survivent dans les broussailles des oliviers ensauvagés.
La culture, arbustive en tout cas, était donc possible autour de l’oppidum et, sur le plateau prolongeant la colline au Nord, les petits terroirs actuellement peu exploités de Rasque et Reynier ont accueilli longtemps les cultures traditionnelles de la Provence sèche, céréales, amandiers, vignes, légumes secs. Les ressources vivrières des habitants du Fort n’étaient donc sans doutes pas limitées à la plaine qui s’étend au pied de la colline, mais pouvaient aussi provenir des terrains plus arides qui entourent immédiatement le site.
Les ressources en eau dans l’Antiquité devaient être peu différentes d’aujourd’hui. Aucune possibilité n’existe à l’intérieur de l’enceinte, où la fouille n’a révélé ni puits ni citerne ; la présence de figuiers indique pourtant un sous-sol suffisamment humide pour la survie de ces arbres :
l’exploitation des couches de terre jusqu’au substrat rocheux a montré en plusieurs point des poches d’argile de décalcification pouvant conserver de l’humidité jusqu’à l’été, mais n’a pu faire penser à des veines d’eau récupérable. La source pérenne la plus proche est à la Clémensanne, à un km à l’est, où une installation romaine a été partiellement explorée. Trois sources, actuellement intermittentes, existent dans un rayon de moins de 500 m : gorge de Paurre et Mège, les Chaberts, et la Bergerie. Les puits les plus proches sont au Nord de l’Oppidum, à un km environ, aux Reyniers